Ce 8 avril, l’Assemblée nationale a étudié la proposition de loi du député Olivier Falorni (Libertés et Territoires) donnant le droit à une fin de vie libre et choisie.
Avant d’exposer ma position personnelle sur ce sujet sensible, j’ai souhaité organiser une consultation publique. Preuve de l’intérêt des Français pour ce sujet, près de 750 personnes y ont participé, dont 258 Euréliens.
Il apparaît que la moitié des répondants jugent ne pas être suffisamment informés sur les dispositifs d’accompagnement à la fin de vie. Si la plupart d’entre eux (86%) ont déjà entendu parler de la loi Leonetti, seul un quart des répondants (25%) ont rédigé leurs directives anticipées.
Une large majorité considère la législation actuelle insatisfaisante (43% totalement insatisfaisante, 25% plutôt insatisfaisante). Les commentaires montrent d’une part une attente forte sur le renforcement des soins palliatifs et d’autre part sur le choix de décider de mettre fin à sa vie. Une majorité de répondants considèrent ainsi que la modification de la législation est une priorité (47% une priorité majeure, 21% plutôt une priorité).
Une très large majorité des répondants (69%) se déclare favorable aux termes de la proposition de loi : « Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, provoquant une douleur physique ou une souffrance psychique insupportable, peut demander à disposer d’une assistance médicalisée active à mourir.»
Toutefois, la polarisation des opinions est forte, avec 57% des répondants qui se déclarent « tout à fait favorables » et 27% « totalement défavorables » à la proposition de loi. Seuls 15% ont une position plus hésitante (« plutôt favorables » ou « plutôt défavorables »).
Les opposants à la proposition de loi ont tendance à questionner la volonté réelle des patients, qui chercheraient avant tout à soulager leurs souffrances plutôt qu’à mourir, ou réfutent le principe même d’une aide active à mourir par convictions philosophiques ou religieuses. À l’inverse, les défenseurs de cette proposition de loi affirment la primauté du respect de la volonté des patients, à l’image des législations en vigueur chez certains de nos voisins, ou témoignent d’une expérience personnelle douloureuse dans l’accompagnement d’un proche en fin de vie.
Au cours des dernières semaines, j’ai réalisé une dizaine d’auditions de professionnels de santé de notre circonscription, en milieu hospitalier, en soins ambulatoires, en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Des personnes admirables, qui accompagnent des Euréliens en fin de vie avec une humanité qui force le respect. Des professionnels remarquables, qui font état de leurs interrogations plutôt que d’affirmer des convictions radicales.
Les retours de la consultation et ces auditions ont contribué à ma réflexion personnelle que je partage avec vous.
Nombre de patients en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable cherchent avant tout à ne plus souffrir et non pas à « mourir au plus vite ». Dans une grande majorité des cas, les soins mis en œuvre par des professionnels de santé particulièrement attentifs au confort des malades permettent de soulager les souffrances de la fin de vie.
Dans ce contexte de prise en charge de la douleur, le « désir de mourir » initialement exprimé s’estompe et la fin de vie se déroule dans la dignité. Je partage de ce fait les positions de ceux qui militent pour un renforcement des soins palliatifs, qui doivent être accessibles à tous les malades, partout sur le territoire.
Une minorité de personnes se retrouve néanmoins dans une impasse. Malgré la qualité des soins prodigués, le « désir de mourir » perdure ou se renforce. La législation actuelle ne permettant pas d’y répondre en France, ces personnes en viennent parfois à se suicider dans des conditions dramatiques ou à se rendre dans un pays européen dont la législation permet de bénéficier de l’aide active à mourir qu’ils ne peuvent obtenir dans notre pays.
Notons qu’il s’agit bien que cette situation dramatique reste celle d’une minorité de malades en fin de vie. Les chiffres de nos voisins le montrent bien. En 2019, sur les 109.000 décès constatés en Belgique, 2.655 l’ont été à travers une assistance médicalisée active à mourir, soit 2.4% des décès.
La question qui est posée aujourd’hui au législateur est la suivante : la société doit-elle répondre favorablement à cette demande de fait minoritaire ou doit-elle continuer à s’interdire de le faire ?
La liberté individuelle a toujours été au cœur de ma philosophie politique. Je crois que le choix libre, éclairé, réfléchi et explicite des individus doit être respecté.
Même si la plupart de nos concitoyens n’expriment pas d’autre désir que des soins palliatifs de qualité pour soulager leur souffrance, j’entends ceux qui, confrontés personnellement ou à travers un proche, à une affection grave et incurable, veulent pouvoir choisir le moment de leur mort. En refusant d’accompagner ce choix, la société n’empêchera pas ces Français de passer tout de même à l’acte en France ou à l’étranger, sans l’assentiment du législateur et l’accompagnement des professionnels de santé mais au terme d’un parcours particulièrement douloureux pour eux-mêmes et leurs proches.
Où est l’éthique, quand un patient en phase terminale d’une maladie incurable décide de se pendre ou d’utiliser son fusil pour accomplir lui-même ce que la société se refuse à accompagner ? Où est l’humanité, quand un patient atteint de la maladie de Charcot décide d’aller requérir une assistance médicalisée active à mourir loin de chez lui, auprès de nos voisins belges, suisses et bientôt espagnols ? Les centaines de témoignages bouleversants que j’ai reçus doivent obtenir une réponse claire, humaine et respectueuse du législateur.
La proposition de loi examinée ce jeudi 8 avril me semble poser un cadre éthique acceptable. Loin de banaliser l’assistance médicalisée active à mourir, cette proposition de loi l’encadre avec précision pour éviter toute dérive. Elle autorise une assistance médicalisée active à mourir réservée exclusivement aux personnes capables et majeures, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable. Une procédure est mise en place avec trois médecins indépendants qui doivent vérifier le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite de la demande d’un individu, ainsi que l’impasse thérapeutique dans laquelle il se trouve. Les professionnels de santé se voient reconnaitre le droit de ne pas apporter leur concours à la mise en œuvre de cette assistance médicalisée active à mourir et le malade peut à tout moment révoquer sa demande.
Pour ces raisons, j’ai soutenu cette proposition de loi.
Les centaines d’amendements déposés par certains collègues sur le sujet ont rendu impossible d’achever la discussion avant la limite du débat à minuit. Néanmoins, l’article 1 a été adopté à une large majorité de députés. Retrouvez ci-dessous le résultat du vote, ainsi que mon explication à la sortie de l’hémicycle.
Je ne doute pas que cette question reviendra dans les mois et les années à venir, comme c’est le cas dans de nombreux pays qui font évoluer leur législation pour accompagner éthiquement et avec humanité le libre choix de leurs concitoyens.
Retrouvez sur facebook la vidéo de mon explication de vote, en direct à la sortie de l’hémicycle.